Laboratoire Junior

Ecole Normale Supérieure
Lettres et Sciences Humaines
Institut Européen Est-Ouest
 

 

Rapport d'activité pour l'année 2002-2003
et perspectives pour l'année 2003-2004.


Le Laboratoire Junior de Russe, consacré aux " Représentations de la Russie ", avait décidé, en octobre dernier, que la première année de recherche commune devrait rendre compte de la diversité des approches de chacun de ses membres, diversité des domaines de recherche et des projets personnels s'intégrant dans le travail commun du laboratoire. Cette première étape permettrait alors de déterminer précisément, en fin d'année, ce qui rassemble tous les membres, et de définir ainsi un thème commun pour les futures journées d'études de l'année suivante. Il n'y avait donc pas de problématique commune expressément ciblée à ces quatre demi-journées de séminaire organisées tout au long de l'année universitaire 2002-2003, si ce n'est la question de la relation à la Russie, en tant pays, histoire, culture.
Il est nécessaire à ce propos de rappeler la spécificité du Laboratoire Junior de Russe : si dans les autres disciplines, les Laboratoires Junior rassemblent des doctorants travaillant dans le même domaine de recherche, et aboutissent ainsi à un travail très spécialisé, le parti pris de Laboratoire Junior de Russe était d'emblée différent. En effet, par la force des choses, du fait du petit effectif de la section de Russe, le nombre d'étudiants susceptibles de participer était restreint, et la diversité d'intérêts scientifiques assez grande. Mais c'est aussi par choix, par souci d'interdisciplinarité, qu'il a été décidé que le Laboratoire rassemblerait des étudiants d'horizons scientifiques divers, mais désireux de continuer, après les années d'Ecole, à réfléchir ensemble sur des problématiques transversales.

Cette première année d'existence du Laboratoire aura donc manifesté notre diversité : diversité des domaines, civilisation, sociologie, littérature ; diversité des supports et des méthodes d'analyse adéquates, photographie, cinéma, récits de voyages, discours politiques, poésie et prose. Ainsi après une séance de réflexion sur les méthodes de recherche, le 20 novembre 2002, à laquelle avait été invité M. le Professeur Patrick Sériot, la première séance du séminaire de recherche du Laboratoire, qui eut lieu le 11 décembre 2002, fut consacrée à la Sibérie. Julie Morel fit un exposé sur les perceptions de la Sibérie aux dix-huitième et dix-neuvième siècles, à partir de la comparaison de récits de voyage russe et français. La dimension civilisationniste fut renforcée par le commentaire historique d'un diaporama sur le Transsibérien réalisé par Thibaut Klotz, étudiant en maîtrise de russe à Lyon 3. La seconde séance du 6 février 2003 fut consacrée à la littérature russe du début du vingtième siècle : Marie-Noëlle Pane étudia la représentation de la Russie dans les récits d'enfance, Florence Corrado évoqua la crise de représentation de la parole poétique à l'âge d'argent. La troisième séance du 19 mars 2003 fut consacrée aux constructions idéologiques de la Russie dans la deuxième moitié du vingtième siècle. Deux professeurs de l'EHESS furent invités : M. Alain Blum, qui fit une intervention sur les conceptions du territoire de l'URSS, et Mme Martine Gaudet, qui fit une communication sur la représentation de l'URSS que veut donner le pouvoir à travers le cinéma. Bella Ostromooukhova parla des représentations de la jeunesse dans les films soviétiques de 1956 à 1968, et Macha Robel étudia l'image de la Russie dans les partis nationalistes russes actuels. Enfin, la dernière séance du 26 juin 2003 fut consacrée aux construction littéraires du mythe russe : Christina Aguibetov fit un exposé sur la représentation de la Russie chez J. Conrad, et Marie Delacroix étudia la représentation de Saint Pétersbourg dans le Timbre égyptien d'O. Mandelstam.

Malgré une grande diversité d'approches, des problématiques communes apparurent : la question de l'étrangeté, de l'altérité, fut évoquée, de manière différente, à la fois par Julie Morel, qui croisa regards russes et français sur la Sibérie, et Christina Aguibetov, qui traita de la relation orient-occident au début du vingtième siècle ; la question du rapport entre la représentation de la Russie et la quête d'identité d'auteurs de fiction fut abordée par Marie-Noëlle Pane à partir de récits autobiographiques, lieu d'une image embellie, et par Marie Delacroix à partir d'une œuvre de Mandelstam, lieu d'une déconstruction ; d'autre part Macha Robel montra que la représentation de la Russie pouvait être le lieu d'une affirmation de soi. Enfin, les questions de l'identité et de l'altérité furent également présentes, quoique de manière plus indirecte, dans l'exposé de Bella Ostromooukhova (c'est par affirmation de sa différence que se définit la jeunesse contestataire des années soixante), et dans celui de Florence Corrado (la représentation du langage poétique mettant en jeu l'identité même du poète). Cette problématique de l'identité et de l'altérité, soulevée par chacun des exposés au cours de l'analyse d'un discours tenu sur la Russie, révèle la question essentielle du point de vue dans un tel discours ; elle montre en définitive l'objet d'étude commun à chacun des membres du Laboratoire, qui se résume dans la question suivante : " Comment est pensée la Russie ? ". C'est dans ce cadre qu'apparaît ainsi la double problématique du discours et de l'identité. En effet, ce qui rassemble tous les axes de recherche des membres du Laboratoire Junior de Russe, c'est le travail sur le discours : c'est la raison pour laquelle le thème retenu pour la journée d'études de l'année prochaine est " la langue comme représentation de la Russie ".

Le projet central du Laboratoire Junior est en effet l'organisation d'une journée d'études au printemps prochain : un calendrier précis sera décidé en octobre 2003. Le thème de la langue choisi comme sujet de réflexion commune sera à relier avec la question des représentations de la Russie ainsi qu'avec la problématique de l'identité et de l'altérité. L'enjeu de la journée d'études serait d'unir, sur ce thème de la langue comme représentation de la Russie, les deux approches de la recherche et de l'enseignement. Du point de vue de l'organisation de la journée, cet enjeu se traduit par la participation conjointe des membres du Laboratoire et d'un nombre à définir d'invités qui seront soit enseignants-chercheurs soit enseignants de classes préparatoires littéraires. Du point de vue de l'objectif global du Laboratoire Junior, cette journée d'études contribuera donc à promouvoir les échanges entre recherche et enseignement d'une part, et enseignement supérieur et classes préparatoires d'autre part. Elle a aussi pour vocation d'initier pleinement les doctorants du Laboratoire à leur double tâche d'enseignants-chercheurs.
Ce projet de journée d'études sera définitivement élaboré en octobre 2003, en fonction du budget que le Laboratoire pourra y consacrer. Le nombre des intervenants sera alors déterminé et les invitations à participer seront lancées. D'autre part, un atelier des membres du Laboratoire est prévu en novembre ou décembre 2003 afin de préparer la journée d'études d'un point de vue scientifique, et notamment méthodologique : chacun fera l'état de ses recherches, et il sera débattu en commun de l'orientation à donner au travail de chacun en vue de la journée d'études.

Indépendamment de ce projet central de journée d'études, des projets annexes sont en cours d'élaboration pour l'année universitaire 2003-2004. Il s'agirait d'un certain nombre de manifestations à la fois scientifiques et culturelles qui, toujours dans le cadre des " représentations de la Russie ", viseraient à promouvoir les cultures russe et slave à l'intérieur de l'Ecole et à favoriser les échanges interdisciplinaires. Ces projets seraient donc organisés en marge du Laboratoire Junior selon des modalités diverses : collaboration avec une section de l'Ecole ou avec un autre Laboratoire Junior, ou encore avec les associations " Enplastik ! " ou " EN Scène ! ".
Par exemple, l'un des projets, proposé par Florence Corrado, serait d'organiser une exposition d'une jeune peintre biélorusse, Darya Maroz, qui étudie actuellement à l'Ecole Régionale des Beaux Arts de Saint-Etienne après des études à l'Académie Nationale des Beaux-Arts de Minsk. L'enjeu de cette manifestation serait d'associer à l'exposition une réflexion esthétique ou philosophique sur l'art de l'Avant-Garde, en particulier sur M. Chagall et C. Malévitch, tous deux liés à la Biélorussie pour y avoir enseigné. Ce projet s'insèrerait donc dans celui de l'Ecole qui consiste à développer les échanges interdisciplinaires et engage une réflexion propre sur l'esthétique.
Par ailleurs, Julie Morel a l'intention d'organiser régulièrement des séances de travail concernant différents domaines de la culture russe (musique, cinéma, théâtre) : ces rencontres, sur le modèle des " rendez-vous russes " organisés au cours de l'année 2001-2002, s'adresseraient essentiellement à un public de non-spécialistes, et auraient moins un objectif de travail scientifique que de partage de connaissances. Ce projet correspond bien au deuxième objectif du Laboratoire, après celui de la recherche commune, qui est de donner une visibilité plus large au domaine russe et slave au sein de l'Ecole, dans le but de susciter des échanges transculturels et interdisciplinaires.